La ministre Maltais participe à une journée de travail au ministère de la Culture et de la Communication de la République française à l'occasion de l'Assemblée Générale, à Paris, de la Banque interaméricaine de développement
Paris, le 10 mars 1999 - À l'invitation de la ministre de la Culture et de la Communication de France, Madame Catherine Trautmann, la ministre de la Culture et des Communications du Québec, Madame Agnès Maltais, a participé aujourd'hui à une journée de réflexion avec les ministres de la culture des pays d'Amérique latine.
Au cours de cette journée de travail, tenue en marge de l'assemblée générale de la Banque Interaméricaine de développement (BID), les ministres ont entre autres abordé le thème de la diversité culturelle, une question de la plus haute importance pour le gouvernement du Québec.
Voici les propos tenus par la ministre, Madame Agnès Maltais :
Madame la présidente,
Chers collègues,
Je remercie Mme Catherine Trautmann de nous avoir conviés à cette importante réunion. En y invitant le Québec, dont la situation est tout à fait particulière, la France fournit un bon exemple de ce qu'est une compréhension authentique de la diversité culturelle.
I. Qui sommes-nous?
Nous ne pouvions pas rater ce rendez-vous avec tant de pays latino-américains avec qui nous voudrions échanger bien davantage. Comme le disait l'Ambassadeur du Brésil en France en mars 1998, le Québec « n'est-il pas l'extrême-nord de l'Amérique latine ? ».
Latinité, Francophonie, Américanité. L'identité québécoise est fondée sur l'expérience d'une diversité qui repose sur ces trois pivots. S'y sont ajoutés une tradition politique britannique bicentenaire; cinq siècles de cohabitation et de métissage avec les Amérindiens; et enfin, le renouvellement incessant, aujourd'hui, de la population grâce à des immigrants venus de tous les continents.
Au Québec, il y a ce fait crucial : 82% de la population est francophone. Dans le reste de la fédération canadienne, les francophones ne représentent que 4% de la population. Nous interprétons notre réalité dans une «langue de France aux accents d'Amérique » conçue comme un véritable creuset.
II. Notre point de vue sur la diversité culturelle
La société québécoise est partie prenante de la mondialisation. Le gouvernement du Québec, quel que soit le parti au pouvoir, a toujours soutenu de manière active les traités de libre-échange nord américain, que ce soit l'ALE, ou l'ALENA, qui élargissait au Mexique le premier traité. En fait, aujourd'hui en exportant 60 % de leur production, les Québécois sont parmi les peuples dont l'économie est la plus ouverte sur le monde.
Cependant, ce OUI québécois à l'intégration économique a toujours eu comme condition sine qua non le respect de la diversité culturelle. C'est une question de principe : pour nous, les biens culturels ne sont pas de simples marchandises.
Trop souvent, dans les forums internationaux, on réduit la culture au commerce. On y affirme couramment que «l'offre et la demande» sont les seuls critères de validité pour la création et la diffusion.
Céder à ces conceptions reviendrait à s'abandonner aux plus grandes puissances du marketing massif et sans frontière. Nous ne nous en prenons pas à la libre circulation des idées et des oeuvres, bien au contraire. Nous affirmons que les interventions des États peuvent garantir une production plurielle.
On est d'ailleurs en droit de penser que les milieux culturels, comme l'opinion publique en général, ont trop été tenus à l'écart lors de la préparation des grands accords multilatéraux, notamment ceux sous l'égide de l'OMC. Ainsi, d'autres se sont investis du pouvoir de définir à leur place les règles qui devraient gouverner les échanges culturels.
Pour préserver et promouvoir la diversité culturelle, il a fallu pendant un certain temps se replier sur le principe de «l'exception culturelle» qui a été inscrit au coeur des deux accords nord-américains précités auxquels le Québec a signifié son adhésion.
L'impossibilité d'inclure une clause générale d'exception pour la culture a contribué à faire échouer les négociations à l'OCDE préparatoires à l'Accord multilatéral sur les investissements. Tous les pays qui se préoccupent de diversité culturelle dans le monde doivent saluer la façon dont la France a défendu la diversité culturelle dans ce dossier.
Une telle omission délibérée ne doit pas être reconduite dans de futures ententes internationales. Et notamment, d'après nous, lors des négociations qui pourraient mener à la création de la Zone de libre échange des Amériques (ZLÉA).
Il est réconfortant de se souvenir que la diversité culturelle a été un des sujets qui a le plus soulevé l'intérêt des parlementaires des Amériques, réunis à l'initiative du Québec en 1997. Conférence qui a obtenu un succès durable puisqu'elle s'est transformée en un Forum permanent. Conférence qui, je dois vous le dire au passage, marquait d'une façon concrète la volonté du Québec d'accroître ses liens avec ses cousins latins des Amériques, comme en témoigne par exemple l'action de notre délégation générale à Mexico.
La nécessaire présence des Québécois dans le débat international sur la diversité culturelle
Un philosophe français, dans un ouvrage récent, affirme que tous les pays, dans le contexte de la mondialisation, ont intérêt à écouter les nations qui ont toujours eu à composer avec le profond et troublant sentiment de leur propre précarité. Car un risque de nivellement existe maintenant dans le monde entier. Ainsi tous les peuples finiront par ressentir ce que les francophones d'Amérique vivent depuis si longtemps. C'est ce qui amenait Alain Finkielkraut à employer cette formule éloquente : «Nous sommes tous des Québécois».
Au fond, c'est la diversité linguistique dans les Amériques (y inclus la présence du français) qui rend possibles plusieurs grandes manières d'y vivre l'Américanité. De la précarité d'un héritage, nous pouvons tirer un avantage parmi les plus grands.
J'aimerais vous citer le Premier ministre du Québec, M. Lucien Bouchard, qui disait à l'Assemblée nationale, la semaine dernière :
« L'avantage québécois, c'est de pouvoir réfléchir simultanément en québécois, en américain et en européen. L'avantage de pouvoir apprendre, comprendre et intégrer ce qui se fait de mieux sur les deux continents. »
C'est ainsi que nos meilleurs artistes, comme Robert Lepage, à qui nous avons confié la responsabilité de cette Saison du Québec en France qui commence à Paris la semaine prochaine, se produisent sur tous les continents en de nombreuses langues. Leur oeuvre se nourrit puissamment des héritages européens, les réinterprète et les présente d'une manière typiquement nord-américaine grâce, entre autres, à une exploitation originale des nouvelles technologies.
Source :
Danielle Bilodeau
Attachée de presse
Cabinet de la ministre
Téléphone : 418 643-2110
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Date de mise à jour : 29 avril 2009